Les pieds dans l'eau, "Un Havre de paix éternelle", extrait.

Cela se passe là :

"   Ce fut Durozier qui commença.

    — Moi, en fin de journée, j'ai les pieds gonflés, avec cette chaleur surtout. J'ai cavalé toute la journée. Je n'en peux plus. Je vais faire comme eux, dit-il en désignant les flamants métalliques gigantesques, couleur rouille, ornant le bassin.

   Des laîches et d'autres plantes aquatiques en bordaient les deux côtés oppposés et le rendaient plus frais. Il s'assit sur la margelle, défit tranquillement ses lacets, enleva ses chaussettes qu'il plia soigneusement à côté de lui, et plongea dans l'eau avec délice des pieds roses que la lumière artificielle montra blanchâtres, sous le regard dubitatif de ses collègues. Son soupir d'aise décida les autres. Lebru ouvrit grand sa veste sur son holster vide en toussant pour disperser comme une volée de moineaux quelques jeunes agités. Voilà, c'était leur carré V.I.P., very important policemen.

   Aelez-Bellig Chouchen les trouva alignés là, place de la Mairie, à la croisée des trois axes principaux structurant la ville. Fésol, Lebru, Étrela, et le stagiaire, les pieds baignant dans l'eau tiède d'un bassin carré, dos à l'Hôtel de Ville, silencieux, méditaient au milieu du son des jets d'eaux, des cris des enfants éloignés et de la rumeur de la ville."

Robert Vincent, Un Havre de paix éternelle, ch. 15 Brain storming et bains de pieds, 2017, BoD.fr

Illustration de Bartin Bafoil, détail.